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La vallée du Nalon

14 janvier 2010

Qu'elles étaient vertes mes collines

La_Pasera_couleurQu’elles étaient vertes les collines de Santumedero ! Du haut de ces collines, on apercevait des deux côtés des paysages totalement différents : les montagnes se dressaient au sud au-delà d’une vallée où coulait le río Nalón, tandis qu’au nord leurs versants se précipitaient en pente abrupte sur l’étroite bande côtière qui les séparait de la mer.

Sur ces versants sourdaient des rus qui descendaient en torrents, formant des cascades tumultueuses avant de se convertir en rivières cristallines pour arroser de charmantes et fertiles vallées. Les chênes, les châtaigniers et les pommiers faisaient des taches sombres sur les prairies et les champs de maïs, et la paille d’épeautre, rare, apportait quelques touches jaunes parmi tant de verdure.

Les cours d’eau, abondants, coupés par des rias où ils se perdaient, n’avaient pas beaucoup d’espace entre la montagne et l’océan. Dans d’étroites vallées, parfois à cheval sur une colline, on rencontrait de petits hameaux disséminés ici et là.

Jadis, les habitants de ces hameaux vivaient au rythme des saisons et des traditions. En mai, avec le chant du coucou commençait un nouveau cycle de la vie. En juin on organisait une grande romeria pour fêter le solstice d’été. C’est pendant cette période qu’on établissait le contact avec les xanas[1] ; qu’on pratiquait les danses rituelles pour fêter les vertus miraculeuses de la nature, du feu et de l’eau ; qu’on ornait de branchages les fenêtres des filles à marier et les sources du village avec des aubades au son de la gaita[2] et du tambourin ; qu’on érigeait des mayos[3]et vendait le ramu[4] aux enchères ; que l’on pratiquait des jeux et des danses – les unes libres et dépareillées : le corri-corri (danse rituelle préhistorique originaire de Cabrales pratiquée par six femmes et un homme simulant avec ses sauts et des inflexions du corps l’éternel rite de l’amour), mais aussi la xota, le saltón, la muñera ,le pericot ; d’autres serrées : le paso doble, la valse, le tango, la polka, la rumba ; ou encore des rondes : le xirandille, le cariao – au cours d’une romeria gigantesque qui durait toute la nuit.

Ils vivaient en autarcie et se nourrissaient des fruits de la terre. La culture du seigle et de l’épeautre suffisait à leur consommation ; le maïs, cultivé en grand, leur servait à faire la boroña, une sorte de pain, et la gacha, une bouillie de farine que l’on consommait avec du lait ou du miel ; le cidre, produit par d’innombrables champs de pommes (pumaradas), était leur principale boisson ; d’excellents pâturages nourrissaient de magnifiques troupeaux de bœufs, de moutons et de petits chevaux légers et très résistants qui de mai à octobre fuyaient la chaleur dans la montagne ; avec le lin qu’ils cultivaient, ils tissaient le linge de maison ; ils tondaient les moutons et avec la laine ils tissaient leurs vêtements.

De l’État, ils ne connaissaient que le collecteur des impôts et l’agent recruteur qu’ils haïssaient parce qu’ils étaient toujours accompagnés d’une paire de gardes civils. Ils étaient belliqueux et il leur arrivait de se disputer avec leurs voisins pour un lopin de terre ou pour la conquête des filles du village, mais ils se portaient aide et assistance. Ils partageaient les pacages communaux où chacun surveillait à tour de rôle le bétail de tous ; et les moulins étaient gérés en commun.

C’était le meunier qui assurait l’entretien et la bonne marche du moulin, mais en compensation les bénéficiaires lui laissaient une portion de grain en proportion de la quantité de blé ou de maïs moulu. Il n’y avait aucun contrôle, mais nul ne s’en serait allé sans laisser sa mesure de grain, car cela était contraire aux bonnes coutumes.

Pour l’entretien des chemins, ils pratiquaient la Sextaferia, une prestation vicinale consistant à participer les vendredis, à certaines époques de l’année, à la réfection des chemins et des ouvrages publics.


[1] bûchers

[2]cornemuse

[3] arbres

[4] rameau

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21 août 2009

La vallée du Nalon

Leitariegos, Pajares, Piedrafita, el Pontón, Pan de Ruedas, ce sont des cols, lecteur, lieux sublimes, majestueux, de grande solitude. Du haut de ces cols, on aperçoit des deux côtés des paysages totalement différents : au sud, où les versants descendent en pente douce sur la Castille León, le soleil, la sécheresse et l’aridité du climat méditerranéen ; au nord, où les versants se précipitent en pente abrupte sur l’étroite bande côtière qui les sépare de la mer, le climat verdoyant cantabrique. Sur ces versants sourdent des rus qui descendent en torrents formant des cascades tumultueuses avant de se convertir en rivières cristallines pour arroser de charmantes et fertiles vallées. Les cours d’eau, abondants, coupés par des rias où ils se perdent, n’ont pas beaucoup d’espace entre la montagne et l’océan. Dans d’étroites vallées, parfois à cheval sur une colline, on rencontre de petits hameaux disséminés ici et là.

Jadis, les habitants de ces hameaux vivaient au rythme des saisons et des traditions. En mai, avec le chant du coucou commençait un nouveau cycle de la vie. En juin on organisait une grande romeria pour fêter le solstice d’été et la Saint-Jean. C’est pendant cette période qu’on établissait le contact avec les xanas[1] ; qu’on pratiquait les danses rituelles pour fêter les vertus miraculeuses de la nature, du feu et de l’eau ; qu’on ornait de branchages les fenêtres des filles à marier et les sources du village, avec des aubades au son de la gaita[2] et du tambourin ; qu’on érigeait des mayos[3]et vendait le ramu[4] aux enchères ; que l’on pratiquait des jeux et des danses – les unes libres et dépareillées : corri-corri, danse rituelle préhistorique originaire de Cabrales pratiquée par six femmes et un homme, simulant avec ses sauts et des inflexions du corps l’éternel rite de l’amour, mais aussi xota,  saltón, muñera, pericot ; d’autres serrées : paso-doble, valse, tango, polka, rumba ; ou encore des rondes : xirandille, cariao –, au cours d’une romeria gigantesque qui durait toute la nuit.


[1] bûchers

[2]cornemuse

[3] arbres

[4] rameau

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La vallée du Nalon
  • Dans un style de roman historique, enchâssant l’histoire familiale dans de larges fresques très documentées, l’auteur raconte l’insurrection ouvrière d’octobre 1934 dans les Asturies, suivie quelques mois plus tard par la guerre civile espagnole. Après la
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